France: La cour d’appel de Paris a confirmé ce mercredi 7 avril l’irrecevabilité des poursuites en diffamation intentées par le Maroc contre des ONG et des médias français. Ceux-ci avaient accusé le Maroc d’utiliser le logiciel Pegasus pour espionner des journalistes et personnalités françaises.

Cette décision confirme celle rendue le 25 mars dernier par le tribunal correctionnel de Paris, qui avait déclaré l’irrecevabilité de dix citations directes contre des médias français tels que Le Monde, Mediapart, Amnesty International ou encore Radio France, entre autres. Ces accusations sont basées sur un article de la loi de 1881 sur la liberté de la presse selon lequel un État ne peut pas poursuivre en diffamation.

Dans cette affaire, les avocats du royaume avaient affirmé que la demande était recevable, car ce n’est pas le Maroc en tant qu’État qui poursuit en diffamation, mais bien ses services secrets, une entité administrative. Cependant, la cour d’appel a maintenu la décision de première instance, arguant que l’État ne peut être assimilé à un particulier au sens de la loi de 1881.

Le Maroc, quant à lui, ne compte pas en rester là et a annoncé son intention de se pourvoir en cassation. Il affirme que « ses services de renseignement ont été gravement diffamés par de multiples organes de presse ayant affirmé, sans la moindre preuve ou commencement de preuve, que ceux-ci auraient utilisé le logiciel Pegasus ». Le royaume demande à Maître Olivier Baratelli de former un pourvoi en cassation pour faire valoir son droit d’agir pour le compte de ses services de renseignement.

Cette affaire met en lumière les dérives potentielles de l’utilisation de logiciels d’espionnage tels que Pegasus et la nécessité de protéger la liberté de la presse et le droit à l’information. Les journalistes et les médias ont un rôle crucial à jouer dans la dénonciation des atteintes aux droits fondamentaux et à la démocratie, et il est impératif de préserver leur indépendance et leur capacité à enquêter sur des sujets sensibles sans crainte de représailles judiciaires.

Le Maroc nie tout en bloc, mais les preuves manquent-elles vraiment ?

L’affaire Pegasus ne cesse de défrayer la chronique depuis l’été 2021, lorsque le consortium international de journalistes Forbidden Stories a révélé que le Maroc figurait parmi les nombreux clients de la société israélienne NSO Group, conceptrice du logiciel espion Pegasus. Celui-ci permet d’accéder aux messageries, données, et même d’activer à distance la caméra et le micro d’un smartphone.

Face à ces accusations, les autorités marocaines ont toujours fermement rejeté toute implication, considérant les allégations comme « mensongères et infondées ». En effet, selon les avocats de Rabat, « il est désormais avéré que les accusateurs n’ont jamais disposé d’aucune pièce pour proférer les affirmations qu’ils ont publiquement diffusées ». Les termes employés sont forts et traduisent une volonté de dénoncer le manque de preuves tangibles.

C’est dans ce contexte que Me Baratelli dépose une plainte en dénonciation calomnieuse, rappelant que « la police scientifique espagnole a établi de manière définitive que cette utilisation de Pegasus par le royaume du Maroc n’était pas avérée ». Il souligne également l’absence de « pièce, témoin ou attestation » présentée par les plaignants pour étayer leurs accusations, lesquelles seraient donc « totalement vides et gratuites ».

Parallèlement à cette action en France, le Maroc a engagé des procédures judiciaires en Espagne et en Allemagne. Le 17 mars dernier, la justice espagnole rejetait la plainte du Maroc contre le journaliste Ignacio Cembrero, qui avait accusé le royaume d’avoir espionné son téléphone avec Pegasus. Les avocats du Maroc ont annoncé leur intention de faire appel de ce jugement.

L’affaire Pegasus, emblématique des enjeux de cybersécurité et de protection de la vie privée à l’ère numérique, soulève de nombreuses questions quant à la responsabilité des États et des entreprises conceptrices de tels logiciels. Les développements judiciaires à venir pourraient bien constituer un tournant décisif dans cette affaire aux ramifications internationales.