La légèreté des peines prononcées dans les affaires de violences sexuelles contre les mineurs et les femmes a soulevé un tollé au Maroc. Les citoyens, militants et intellectuels s’insurgent contre la clémence dont bénéficient les agresseurs, appelant à un changement des lois du pays.
Selon un collectif qui dénonce les violences contre les femmes, 80% des prévenus condamnés pour viol ont écopé de peines inférieures à celles prévues par la loi. En mars, les juges avaient condamné les trois hommes accusés d’avoir violé à répétition la jeune Sanaa, 11 ans, à seulement deux ans de prison. Cette sentence, jugée outrageusement clémente, a suscité une intense vague d’indignation.
Vendredi dernier, la cour d’appel de Rabat a fortement alourdi les peines des trois agresseurs. L’un des accusés a été condamné à vingt ans de prison ferme, les deux autres à dix ans. Le verdict a été salué par les avocats de la victime et la société marocaine s’est sentie entendue. Toutefois, l’affaire de Sanaa ne représente qu’une partie de l’iceberg. Beaucoup de cas similaires passent sous les radars, laissant chaque jour des dizaines de Sanaa sans justice et autant d’agresseurs qui échappent à la loi.
Les avocats des victimes ont également critiqué le recours systématique aux circonstances atténuantes, qui permet aux juges de laisser libre cours à leurs stéréotypes sexistes et de trouver des excuses aux coupables. L’article 490 du code pénal marocain, qui criminalise les relations sexuelles hors mariage, est également un outil de chantage pour les agresseurs, qui peuvent continuer à perpétrer leur crime en toute impunité.
En 2018, le royaume a adopté une loi contre les violences faites aux femmes, mais les organisations féministes ont jugé ce texte largement incomplet. Le viol conjugal n’est toujours pas criminalisé, le mariage des mineures qui promeut l’exploitation sexuelle est toujours possible et la culture du viol continue à imprégner tout le système judiciaire.
Alors qu’une réforme du code pénal est en phase de finalisation, il est urgent de légiférer pour graver dans le marbre que les crimes sexuels sont les plus graves. La présidente du Conseil national des droits de l’homme appelle à requalifier le viol en « violence sexuelle » selon les normes internationales, un crime grave portant atteinte à l’intégrité physique de la victime.
Le cas de Sanaa a suscité un rejet de la normalisation des violences sexuelles et de stéréotypes archaïques aujourd’hui dépassés. Il est temps pour le Maroc de garantir la protection de ses femmes et de ses enfants, et de mettre fin à la clémence inacceptable dont bénéficient les agresseurs.