L’évolution de la dette publique au Maroc a suscité de nombreux débats ces derniers temps. Le Policy Center for the New South (PCNS) a organisé un atelier pour discuter de la question de la soutenabilité de la dette publique, réunissant des économistes et universitaires marocains de renom pour examiner les différents scénarios possibles. Le rapport présenté par l’économiste Youssef El Jai souligne que l’évolution de la dette publique dépendra de l’évolution de l’économie marocaine, qui, à son tour, dépendra de l’ampleur des réformes structurelles et de la mesure dans laquelle les finances publiques seront optimisées pour mobiliser des ressources.
Selon El Jai, le Maroc est sur le point de réaliser une transformation sociale ambitieuse, à travers la généralisation de la protection sociale, une réforme structurelle qui pourrait avoir un impact positif sur le potentiel de croissance économique. Il a également souligné que cette réforme pourrait avoir, à court termes, des répercussions majeures sur l’évolution future du ratio de la dette publique au PIB, tout en passant à un régime de croissance plus élevé. Il a également présenté différents scénarios possibles pour l’évolution de la dette publique.
Selon les Perspectives de l’économie mondiale d’octobre 2022, si l’inflation revient à la normale et que le secteur agricole se redresse après deux années de sécheresse, la croissance du PIB devrait revenir à sa moyenne. Dans ce cas, on peut s’attendre à une certaine forme d’assainissement budgétaire et de réduction de la dette. Cependant, des scénarios plus risqués sont également possibles, compte tenu de la persistance de l’inflation au Maroc et du retour possible de la série de sécheresses sévères au cours des cinq à sept prochaines années. De telles conditions impliqueraient un ajustement lent, voire une augmentation du ratio dette publique/PIB.
En 2022, l’inflation a fait un retour fulgurant, atteignant une moyenne de 6,6 %. D’abord portée par des facteurs externes, elle a commencé à se généraliser à tous les secteurs, et s’est désormais solidement ancrée dans les secteurs marchands et non marchands, le segment alimentaire étant fortement touché. Paradoxalement, cet épisode inflationniste a été une bonne nouvelle pour les finances publiques, affirme El Jai. Il a gonflé l’augmentation attendue du ratio dette publique/PIB et a également entraîné une hausse des recettes fiscales. Toutefois, le resserrement des conditions de financement a entraîné une hausse des rendements.
La courbe des taux s’est sensiblement déplacée vers le haut, explique El Jai, Bank Al Maghrib ayant réagi à la hausse des prix en augmentant son taux principal de 100 points de base en 2022 pour ancrer les attentes, et de 50 points de base supplémentaires en mars 2023. Sur les marchés internationaux, les coûts de financement ont également augmenté. Sur la base des projections officielles, l’assainissement budgétaire devrait se faire à un rythme plus lent au cours des quatre prochaines années, conformément à la programmation budgétaire triennale.
Malgré les différentes mesures prises pour maintenir la dette publique sous contrôle, la question de la soutenabilité de la dette reste préoccupante. Le rapport présenté par le PCNS souligne que la réduction de la dette publique nécessitera des réformes structurelles importantes et une gestion rigoureuse des finances publiques. Les économistes et universitaires marocains ont appelé à une réforme fiscale et à une amélioration de l’efficacité des dépenses publiques pour assurer la soutenabilité de la dette à long terme.
Le rapport du PCNS souligne également l’importance de la protection sociale pour la croissance économique à long terme. La généralisation de la protection sociale peut contribuer à réduire les inégalités et à améliorer les conditions de vie des citoyens les plus vulnérables. Cependant, elle nécessite également des ressources importantes et une gestion efficace des finances publiques pour être mise en œuvre de manière durable.
En conclusion, la question de la soutenabilité de la dette publique au Maroc reste une préoccupation majeure pour les économistes et les décideurs politiques. Les différents scénarios présentés par le PCNS soulignent l’importance des réformes structurelles et de la gestion rigoureuse des finances publiques pour maintenir la dette publique sous contrôle. La généralisation de la protection sociale peut contribuer à améliorer les conditions de vie des citoyens les plus vulnérables, mais elle nécessite également des ressources importantes et une gestion efficace des finances publiques pour être mise en œuvre de manière durable. Les décideurs politiques doivent donc trouver un équilibre entre la poursuite d’une croissance économique durable et la gestion prudente de la dette publique.