Ce samedi soir, l’Allemagne ferme définitivement ses trois derniers réacteurs nucléaires, mettant ainsi un terme à une sortie de l’énergie atomique engagée depuis longtemps et qui demeure controversée dans le contexte d’urgence climatique actuel. À minuit au plus tard, les centrales d’Isar 2, Neckarwestheim et Emsland seront déconnectées du réseau électrique.
Le gouvernement allemand leur avait accordé un sursis de quelques semaines, par rapport à l’arrêt initialement fixé au 31 décembre, mais sans remettre en cause la décision de tourner la page sur cette source d’énergie. Pour la première économie européenne, cette décision marque l’ouverture d’un nouveau chapitre après avoir été mise au défi de se sevrer des énergies fossiles, tout en gérant la crise gazière déclenchée par la guerre en Ukraine.
La décision de sortir du nucléaire vient de loin. Après une première décision de Berlin, au début des années 2000, d’abandonner progressivement l’atome, l’ex-chancelière Angela Merkel avait accéléré le processus après la catastrophe de Fukushima en 2011. Depuis 2003, l’Allemagne a déjà fermé 16 réacteurs.
Malgré cela, l’hiver s’est finalement passé sans pénurie, le gaz russe a été remplacé par d’autres fournisseurs, mais le consensus autour de la sortie du nucléaire s’est effrité. Dans un récent sondage pour la chaîne publique ARD, 59% des personnes interrogées estiment qu’abandonner le nucléaire dans ce contexte n’est pas une bonne idée.
L’Allemagne préfère se concentrer sur son objectif de couvrir 80% de ses besoins en électricité grâce aux énergies renouvelables dès 2030, tout en fermant ses centrales à charbon en 2038 au plus tard. Cette décision ambitieuse est à saluer, mais elle doit être mise en perspective avec les défis énormes auxquels l’Allemagne est confrontée en matière d’énergie.
Il est indéniable que l’abandon du nucléaire peut être considéré comme une victoire pour les écologistes, mais cela soulève également des questions sur la sécurité énergétique de l’Allemagne. En effet, les énergies renouvelables ont des limites en termes de production, et leur intermittence nécessite des solutions de stockage qui ne sont pas encore suffisamment développées.
Cette décision est également critiquable car elle intervient dans un contexte où la demande d’électricité ne cesse d’augmenter, tandis que les énergies renouvelables ne peuvent pas encore répondre à tous les besoins de l’Allemagne. Il est donc légitime de se demander si la décision de fermer les centrales nucléaires n’a pas été précipitée, compte tenu de la complexité des défis énergétiques auxquels l’Allemagne doit faire face.
De plus, cette décision n’a pas été prise sans conséquences. Les coûts de production d’électricité ont augmenté, et cela a un impact direct sur le pouvoir d’achat des ménages allemands. De plus, l’Allemagne doit maintenant importer de l’électricité provenant de pays voisins, tels que la France, qui produit toujours une grande partie de son électricité à partir de l’énergie nucléaire.
Il est également important de souligner que la sortie du nucléaire ne garantit pas la fin des risques liés à l’énergie. Les énergies renouvelables, comme toutes les sources d’énergie, présentent également des risques pour l’environnement et la santé publique. Les éoliennes, par exemple, peuvent causer des dommages à la faune aviaire et les panneaux solaires peuvent contenir des métaux rares qui sont souvent extraits de manière peu respectueuse de l’environnement.
En outre, la décision de fermer les centrales nucléaires a un impact sur l’emploi dans le secteur de l’énergie. La fermeture de ces réacteurs signifie la suppression de milliers d’emplois directs et indirects dans le secteur, et l’Allemagne devra désormais trouver d’autres sources d’emplois pour compenser cette perte.
Enfin, il est important de souligner que la décision de sortir du nucléaire n’est pas encore pleinement réalisée. L’Allemagne doit encore fermer ses centrales à charbon d’ici 2038, ce qui sera une tâche immense compte tenu de la forte dépendance de l’Allemagne à cette source d’énergie.
Dans ce contexte, il est légitime de se demander si l’Allemagne ne devrait pas plutôt opter pour une approche plus nuancée, en utilisant toutes les sources d’énergie disponibles, y compris le nucléaire, tout en investissant massivement dans les énergies renouvelables et en développant des technologies de stockage d’énergie plus efficaces. Cette approche serait plus en phase avec les réalités énergétiques actuelles et permettrait à l’Allemagne de mieux répondre aux défis environnementaux et économiques auxquels elle est confrontée.
En fin de compte, la décision de l’Allemagne de sortir du nucléaire est à la fois audacieuse et controversée. Elle montre l’engagement de l’Allemagne en faveur d’un avenir plus propre et plus durable, mais elle soulève également des questions sur la sécurité énergétique et l’emploi dans le secteur de l’énergie. Pour réussir sa transition énergétique, l’Allemagne doit poursuivre ses efforts pour développer des technologies de stockage d’énergie plus efficaces, tout en adoptant une approche plus nuancée qui prend en compte toutes les sources d’énergie disponibles.